Tous égaux, vraiment ?

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Je fais partie d’une minorité de gens qui ont une pensée en arborescence, la majeure partie des gens ont une pensée linéaire. Je suis différent. Je le sais depuis toujours et cette différence a été toute ma vie une source de souffrances. Ç’aurait pu être l’inverse.

Mon empathie innée, mon hypersensibilité, le don de soi, mon éducation religieuse, tant d’éléments qui ont contribué à renforcir cette grande idée que nous serions tous égaux. J’y ai cru. Toute ma vie cette idée a été la trame de fond de mes interrelations. Cet idéalisme m’a nui plus qu’il m’aura été utile.

Prendre le champ

Je n’ai pas pris le sentier que j’aurais pu emprunter. J’ai cherché à rouler sur l’autoroute et pourtant j’ai été continuellement poussé vers l’accotement. J’ai cumulé les crevaisons et dû faire appel au turbo pour compenser. Parfois simplement pour reprendre mon souffle, épuisé de devoir toujours correspondre aux attentes qu’on avait de moi. Attente qu’on a de tout le monde.

Pourtant aujourd’hui ce sentier non battu, je le trouve vraiment plus intéressant. Il me correspond vraiment. Mais je ne pouvais l’accepter, car mon but était de rouler comme tout le monde.

Si j’ai tant voulu suivre le trafic toutes ces années, c’est peut-être par manque de connaissances de soi, d’une carence d’ego, d’un manque d’estime important, car autrement, j’aurais fait ce que je réalise aujourd’hui, je me serais épanouie, en affirmant et en valorisant cette différence. J’aurais depuis longtemps tracé mon chemin à moi.

Plutôt, j’ai avancé en marge de cette autoroute. J’ai pris le champ mainte fois.

Est-ce que ma vie aurait été différente? Aurais-je pu m’éviter des souffrances si je n’avais pas cru à ce grand mensonge que nous sommes tous égaux?

La vieille école

Bien sûr il y a l’idée de naître tous égaux, inscrite au premier article de la charte des droits et libertés de l’homme. Même si les mots sont nobles, ils ne reflètent pas du tout la réalité dans le monde. Nous ne démarrons pas tous la course à la même position.

Je ne conteste pas la bienveillance derrière l’idée de l’égalité. Je demande que le monde se mette à jour. Nous sommes effectivement identiques du point de vue de la génétique. Pas très loin de la plante verte, et vraiment très près du chimpanzé. (Note à retenir pour nos grosses têtes enflées) On comprend alors que se définir de ce point de vue n’est pas suffisant et nous laisse peu de marge pour calculer nos différences. On peut continuer de faire perdurer cet énoncé ou s’en remettre à une science plus actuelle, disons plus explicite. Mettons-nous à jour, voulez-vous ?

Les neurosciences sont de toute évidence le théâtre où se jouent actuellement les nouveaux actes du développement humain. Référons-nous aux nouvelles découvertes scientifiques du fonctionnement du cerveau humain. Si ma suggestion de lecture ci-contre ne vous suffit pas, Google. Plus nous progressons avec la science, plus nous sommes en mesure d’expliquer nos différences neurologiques. Mieux, en tout cas, que ce que la génétique a tenté de faire dans le passé.

Provoquer le changement

Continuer de propager l’idée que nous sommes tous égaux et même cette tendance à crier sur les toits notre différence de façon très colorée, dans un élan qui me paraît davantage égocentrique, de l’ordre du spectacle même, plus que pour soutenir une cause sociale, ces deux phénomènes créent une partie des marginaux, des anarchistes, des extrémistes. Dans nos écoles, nous créons des décrocheurs et trop souvent des tueurs juvéniles, comme c’est le cas quotidiennement chez nos voisins du sud. Principalement parce qu’ils ne sont pas reconnus dans leurs besoins, différents et inégaux, parce que la maladie grandit en eux sans personne pour les écouter. On a besoin de plus d’équité et non d’égalité. On a besoin de fermer notre grande gueule et d’ouvrir nos yeux et nos oreilles. On a besoin de s’ouvrir à l’autre. On a besoin de provoquer le changement dans son entourage.

On a besoin de sortir de notre isolement. De sortir l’autre de l’isolement. On s’isole à cause des troubles de santé mentale, exacerbés par le manque de reconnaissance de notre entourage et de la société. Et plus les jours avancent, plus notre santé se détériore. Moins nous faisons partie de la masse, de cette normalité tant recherchée, moins nous sommes reconnus et compris. Plus nous mourrons seuls, loin des regards qui nous dévisagent continuellement.

La détresse mentale qui s’amplifie, l’énergie et l’espoir manquent. L’appel à l’aide même se présente comme un fardeau, une épreuve insurmontable. Nous nous sentons seuls, impuissants devant notre état de santé. Ensuite, nous sommes démunis devant cet obstacle à franchir qu’est notre système de santé. L’accès est trop difficile pour une personne en santé, imaginez pour ceux et celles qui peinent à sortir de chez eux et à se mettre en action dans l’espoir de guérir.

Quand nous sommes dans l’isolement, on a besoin d’abord d’être reconnu dans nos besoins et nous avons besoin que l’on nous tende la main. Pour une grande majorité, c’est impossible que l’action soit intrinsèque. Surtout en période de déni. L’aide doit venir de l’extérieur, de la famille, des amis, du système de santé. On doit accompagner les malades vers les soins adéquats, franchir la bureaucratie et les protocoles avec eux, autrement, ils vivront un échec de plus. Bien sûr, ils doivent accepter d’être aidés. Déjà que se trouve sur leur chemin un autre être humain pour écouter est primordial. Vous devez être cet humain qui fera un monde meilleur. Un petit geste par jour. Créez un impact positif sur les gens. Soyez le changement.

Être reconnu et compris

Je remonte dans mes souvenirs, aux alentours de ma 2e année de primaire. J’étais dans une école où on reconnaissait la différence des potentiels intellectuels. On remonte en 1983. Déjà, dans cette petite école de campagne québécoise, on venait dans les classes, proposer aux étudiants qui se tournaient les pouces durant les multiples explications de l’enseignant, de stimuler leur intellect avec des activités de créations artisanales, d’arts visuels, d’art dramatique, de sport. Il y avait aussi une classe spécialisée pour les jeunes qui avaient besoin de plus d’attention et de soins émotifs. On reconnaissait alors les inégalités. On osait les identifier, les nommer et pour permettre de passer au niveau suivant, les accepter. On acceptait les différences. 1983.

Les multiples déménagements que mes parents m’ont fait vivre, m’ont sortie de cette campagne, cette école bienveillante, pour me ramener en ville, où je suis né, et me retrouver parmi une cohorte d’humains urbains que nous disions semblables et égaux. Il y a les standards qui sont apparus. Et l’école ne m’a plus jamais intéressé. Pourtant, j’ai un fort potentiel, je suis hyper curieux et j’adore apprendre et relever des défis. À la suite de ma deuxième année du primaire, j’ai subi le système tout au long de mon parcours scolaire, et j’ai finalement décidé de tout lâcher au Cégep, car rien n’avait changé. On m’avait pourtant promis que plus j’avancerais dans ce système, plus ça allait être stimulant. Ça n’a pas été le cas. On éleve les enfants comme on élève des moutons. Tous en rang, tous identiques.

Si on refuse d’admettre les différences et les inégalités entre les humains, non seulement nous ne permettons pas à tout ceux qui naissent avec des troubles neurologiques de s’accepter tel qu’ils sont et de se réaliser malgré tout, mais nous excluons aussi tous ces jeunes qui ont besoins d’être davantage stimulés dans leur vie, qui se déroule des années durant, principalement à l’école. Pas étonnant qu’ils veulent vivre autre chose.

Continuons de vouloir être tous égaux, de faire passer à l’année suivante tous ces enfants qui auraient plutôt besoin de doubler leur année pour bien assimiler les connaissances, continuons d’ignorer et d’être non préparés devant tous ces enfants précoces qui sont plus probablement les agents du changement de demain et demandons-nous comment nous pouvons espérer avoir des résultats différents en répétant les mêmes erreurs. 1983 – 2023

Nous voulons protéger leur santé mentale (ou disons-le, leur égo) en ne les faisant plus doubler. On fait exactement le contraire. Comment pouvons-nous espérer offrir de l’estime personnel aux enfants qui ne savent toujours pas écrire leur nom en 4e année du primaire? (oui oui, ça existe) On a besoin de classes particulières et de soins adéquats pour ces enfants et non de les pousser à fuire vers l’avant. Monsieur le ministre de l’éducation… svp ! Cessez de vouloir être imaginatif avec vos réformes et ramenez-nous aux principes de ma petite école de campagne.

Se surpasser et non dépasser l’autre.

Un système de performance qui se transmet aux enfants d’une génération à l’autre, sans égard aux fonctionnements cérébraux de chacun. On se retrouve entre autres avec des parents éduqués, qui ont su obtenir les bonnes notes, qui n’ont jamais tellement appris à développer leur jugement, car ils ont fait ce qu’on leur a dit de faire, à répétition. Ils pratiquent et répètent, maintenant sur leurs enfants. Nous perdons l’essence des priorités dans nos vies. Est-il plus important d’avoir 100 % à l’examen ou d’avoir appris quelque chose d’utile à la vie? On n’apprend pas la vie à l’école, on apprend à avoir 100 %. On revoit ces enfants en cabinet privé de psychothérapeutes se questionnant sur ce qui cloche chez l’enfant. Pourquoi ne pas se questionner plutôt sur ce qui cloche chez les parents et notre système d’éducation ?

On focalise sur les manières de faire rouler l’économie depuis la Deuxième Guerre en prenant les enfants comme cobayes. Concentrons-nous plutôt sur comment faire bien rouler les cerveaux de nos enfants, l’économie suivra. Attention cependant au neuromythes et aux biais cognitifs. Cessons d’être indifférents aux différences. Cessons de faire la propagande de l’égalité. Acceptons l’inégalité et progressons enfin.

Plus ça change, plus c’est pareil ?

Le sexisme revient en force, le racisme n’a jamais vraiment été éclipsé. Dans certains quartiers de Montréal, il se tourne même dorénavant contre les Québécois de souche. On demande aux gens de changer leur mentalité, leurs regards sur autrui, sans avoir pris le temps de les reconnaître, de les comprendre, de les accepter. On brûle des étapes dans le processus du changement. On est violent si l’autre ne dit pas comme nous. On exclut plus que jamais la différence, on se radicalise de plus en plus. Probablement par peur et par instabilité et sécurité psychologique.

Chacun à un rythme d’apprentissage propre à sa personne, au fonctionnement de son cerveau. Respectons d’abord ce principe. Cessons de croire que nous sommes tous égaux et que nous réfléchissons tous de la même manière. Soyons patients, bienveillants, aidants. Soyons curieux pour comprendre les différents fonctionnements du cerveau de l’autre. Acceptons de penser différemment et de ne pas être d’accord avec l’autre.

Une fois identifiés, nous serons valorisés. Nous réussirons, selon notre définition de ce qu’est la réussite et non celle définie par les autres.

Offrons à nos enfants (et nos enseignants), des classes avec une diversité de gens oui, mais tout de même, avec une similitude entre leur potentiel, pour le bien de tous.

À mes yeux, se comparer aux autres est néfaste pour notre estime. Pire, se comparer à un idéal qui n’existe pas, il me semble, c’est encourager la souffrance des humains. Et un enfant qui n’a pas d’estime, c’est un enfant qui ne peut apprendre. Pire encore, un enfant à qui l’ont ment, est un enfant qui n’a aucun cadre sécurisant pour s’épanouir.

Je suis d’avis que peu importe le QI d’un humain, il y a un potentiel à explorer et à exploiter pour son bien et celui de son entourage. Si l’estime de soi n’est pas une priorité dans notre société et que la différence de chacun continue d’être niée ou rejetée, le potentiel de ces enfants est réduit au minimum.

Sortons du déni social, acceptons-nous tel quel, avec nos forces et nos défis, mettons les efforts nécessaires pour être fier de nous et avançons chacun à notre rythme. Offrons à la société, notre apport, à la hauteur de ce qui est possible pour nous. Cessons de regarder l’autre par le prisme de notre propre expérience seulement.

Soyons équitables.

2 réponses à « Tous égaux, vraiment ? »

  1. Avatar de Bourbon Lydie
    Bourbon Lydie

    Excellent commentaire. Je partage la plupart de vos idées étant HPI. Cependant l’égalité je n’y ai jamais cru. Il faudrait evidemment qu’elle existe mais comment est ce possible ? nous naissons différents physiquement, moralement, psychologiquement et intellectuellement alors le seul grand pas à faire c’est sans doute croire en soi et ne pas jalouser celui qui est déjà sur la marche supérieure.

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Jimmy Gagné

      On est d’accord qu’il nous faut trouver l’équiité plutôt que l’égalité. Merci pour votre lecture et votre commentaire. Abonnez-vous pour ne pas manquer le prochain article concernant le changement.

      J’aime

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